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  • Pascal Guillotin

De quoi est faite la nouvelle révolution sexuelle qui libère les paroles ?

Dernière mise à jour : 24 août 2020

Que permet-elle et quels obstacles rencontre-t-elle encore ?




















"Ils en ont parlé". Souvenez-vous de ce célèbre dessin de presse, signé Caran d'Ache : un repas de famille, très chic... et soudain, la table se transforme un champ de bataille, on se bagarre à coups de fourchette. Et la légende explique simplement : "ils en ont parlé". Il était question de l'affaire Dreyfus, qui déchirait les familles. Oui, la parole a le pouvoir de déclencher la guerre. Mais elle a aussi celui de libérer le plaisir au sein des couples !

Parler. Se dire les choses : ça n'a l'air de rien, mais c'est souvent un énorme tabou à bousculer. Aujourd'hui nous parlons de sexe. Et en particulier du vent de fraîcheur qui est en train de souffler sur le sujet grâce aux réseaux sociaux. On voit fleurir, notamment sur Instagram, des comptes qui militent - oui qui militent, car le sujet est politique - pour une sexualité basée sur la communication. Dialogue, consentement, prise en compte du plaisir des deux partenaires. Et si c'était une nouvelle révolution sexuelle ? Révolution créative et inclusive. Elles en ont parlé... 

Et on en parle avec nos invité.e.s :

  • Jüne Plã, créatrice du compte instagram Jouissance club et autrice du livre Jouissance club, une cartographie du plaisir, paru au éditions Marabout

  • Martin Page, auteur d'Au delà de la pénétration, paru aux éditions Le nouvel attila

  • Carole Boinet, rédactrice en chef des Inrocks, dont le numéro spécial sexe est paru le 1er juillet

Ci-dessous, des extraits de l'entretien


En 2020, le sexe est toujours un tabou

On a l'impression que le sexe est partout, qu'on en entend parler tout le temps. Pour autant, le tabou existe toujours bel et bien, comme l'observe Jüne Plã : "Un tabou énorme. Ça se voit dans les messages que je reçois au quotidien : les gens ne sont pas informés. Ils ont peur d'être anormaux et personne n'est là pour leur répondre, à part les comptes Instagram autour de moi [ClitRévolution par exemple] et moi-même, c'est un boulot immense". 


Trop de normes 

Jüne Plã : "On a des images en tête qui viennent probablement de la télé et du cinéma et qui nous dictent une norme. Déjà, il faut être hétérosexuel pour être "normal". Il faut pénétrer et il faut surtout jouir par pénétration. Il faut avoir tel type de sexe. Il faut être endurant. Il faut être soumise... Il y a trop de normes".

Martin Page : 

J'aimerais qu'on se débarrasse, dans une discussion sur la sexualité, du ricanement, des blagues, du jugement, de tout ce qui empêche en fait une parole libre et qui renvoie des gens à des histoires de normalité. 

Les ados, le porno et le sexe

"Il y a un gap qui est très prononcé entre l'éducation sexuelle à l'école qui est inexistante : on ne parle que de IST ou de risque de grossesse et on passe directement aux images du porno, qui sont ce qu'elles sont. Et pour moi, c'est un vrai problème"

Agnès est prof de SVT en collège et auditrice, elle témoigne : "J'attache beaucoup d'importance à parler avec les élèves de sujets portant sur la sexualité, avec toujours comme maîtres mots le respect de soi et le respect des autres.  Malheureusement, les séances d'éducation à la sexualité en collège et lycée passent souvent à la trappe, car les profs ne sont pas formés pour animer ce type de séances d'information." 

Martin Page : "Le porno ne fait que reprendre des clichés de domination patriarcale. Il ne naît pas de rien : il naît sur le terreau d'une sexualité qui est peu imaginative, qui est celui de l'imaginaire collectif, avec une domination des femmes par les hommes."


La sexualité est-elle politique ?

Carole Boinet : 

Je pense que la sexualité est éminemment politique et je pense qu'il faut vraiment faire prendre conscience aux femmes, hétéros notamment, qu'on n'est pas un trou à boucher.

Il y a quand même cet imaginaire qui est véhiculé, des petites filles aux jeunes filles, qu'il a un trou et qu'un trou nécessite d'être bouché. Il y a tout cet imaginaire, à mon avis à déconstruire.

Longtemps, on s'est débarrassés de la question sexuelle en disant "oui, mais ça, ça concerne l'intime, le privé, donc, il ne faut pas en parler parce que ça regarde chacun". Alors oui, certes, ça regarde chacun et chacun fait ce qu'il veut. Mais je pense qu'il y a quand même un gros problème : on voit bien que les gens sont malheureux et quand les gens sont malheureux, il faut quand même on parler ensemble pour aller mieux au lit. 

Je pense vraiment que quand le sexe ira mieux, la société ira mieux. 

La fin de la pénétration ?

Martin Page : "Mon livre critique la pénétration, mais seulement la pénétration comme seul modèle. Il y a par exemple un témoignage dans mon livre d'une jeune femme qui n'aime que la pénétration ; pour le coup, elle déteste le cunnilingus. Donc, il s'agit évidemment pas de dire que la pénétration, c'est mal, et que les gens qui ont du plaisir par pénétration, ce sont des idiots. Pas du tout. Au contraire, c'est ouvrir le champ des possibles

On n'arrête pas de recevoir des messages, essentiellement de lectrices, de femmes qui sont dans des sexualités de couple où elles n'ont pas de plaisir, où elles se forcent à faire des choses qui leur donnent très peu de plaisir ou parfois qui leur donnent des douleurs... 

On est quand même sur un modèle où il y a 26% des femmes qui arrivent à l'orgasme par pénétration vaginale simple. Et c'est la norme. Il y a un truc qui va pas ! Si c'était l'inverse, s'il y avait seulement 26% des mecs qui jouissaient par pénétration, le monde serait différent". 

Trop de couples en souffrance

Martin Page : "Certaines choses sont naturelles, me répond-t-on souvent. "Naturelles", c'est le mot magique pour justifier une paralysie de l'esprit. [...] Tous les aspects de notre vie sociale peuvent être modifiés, et doivent l'être quand les gens souffrent. 

On n'imagine pas la dose de souffrance, de malheur, des couples qui s'emmerdent dans leur sexualité, des femmes qui s'obligent à avoir des pratiques qui ne leur apportent pas de plaisir et qui n'osent pas le dire à leur compagnon parce qu'elles ont peur de ne pas être normales. 

Jüne Plã renchérit : "Beaucoup de femmes ressentent des douleurs à la pénétration et se forcent quand même à le faire. Parce que c'est ça qu'il faut faire, parce qu'il faut faire plaisir, parce qu'on a peur de heurter ou de blesser si on demande à son mari de prendre soin de nous".


Si je ne le désire plus, c'est que je ne l'aime plus ?

Jüne Plã : "Je pense que le désir, ça se travaille, comme l'amour"


Pour le sexe, on a aussi besoin de podcasts, de livres, de comptes insta...

Martin Page : "C'est vraiment important de dire que la sexualité, évidemment on peut avoir besoin de sex-toy, de lubrifiant, de choses comme ça, mais en fait, on a besoin de livres aussi dans nos chambres à coucher. On a besoin de comptes Instagram, on a besoin de magazines, on a besoin de radio... Et je pense que depuis un an et demi, il y a de plus en plus. Il y a le livre de Maïa Mazorette, le podcast de Victoire Troyon, le compte Insta de Jüne Plã... il y a un faisceau de forces progressistes qui sont en train de changer les choses. Ça change lentement mais on ne peut plus ignorer le sujet et c'est génial". 


Demander le consentement, ça brise l'action ?

Carole Boinet : "On a l'impression que dès que le verbe entre dans le rapport sexuel, ça casse tout. Comme si, en fait, quand on a du sexe, on ne doit pas parler. Comme si la parole n'est que des onomatopées, apprises dans le porno ou ailleurs. Soudain, on se tait, on ne peut plus parler. [...] Le consentement est hyper important. Et la verbalisation de choses. Alors arrêtez de penser qu'on doit être dans le silence".


Préliminaire, un mot à détruire ?

Martin Page : "Il est important de dire c'est un mot à détruire parce qu'en fait il n'y a pas de préliminaires. Les préliminaires, c'est un rapport sexuel en soi, c'est pas juste, c'est pas une entrée. En fait, ça ne mène pas forcément à la pénétration".


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